jeudi 30 août 2012

La lune bleue d'août 2012 (ou peut-être pas?)

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Non, il ne s'agit pas d'un post sur le classique «Blue moon» de Rodgers (oui, le fameux Rodgers de Rodgers and Hammerstein mais avant Hammerstein à l'époque où c'était Hart qui écrivait les paroles).
Non, il s'agit plutôt de se pencher un peu sur tous les problèmes qu'ont rencontré depuis des millénaires les astronomes qui ont essayé d'accorder les calendriers lunaire et solaire. Il y a plusieurs sources disponibles sur internet et des livres et mon but n'est pas de recopier ce qu'on trouve ailleurs mais de faire une synthèse aussi sommaire que possible, le lecteur intéressé pourra toujours approfondir en cherchant le réseau.

Un problème de reste de division

Tout est causé par le reste d'une division :
  • un mois lunaire (un mois synodique pour être précis puisque c'est celui qui est utilisé dans les calendriers lunaires) dure un peu plus que 29,5 jours.
  • une année solaire de son côté, dure un peu moins que 365,25 jours.
Si vous divisez 365,25 par 29,5 vous obtenez 12 comme résultat entier et un reste de 11,25 jours. Dans une année solaire donc, on a la place pour 12 lunaisons et il nous reste 11,25 jours. Comment concilier ces deux calendriers?

Des décalages qui s'ajoutent au fil des ans

Dans un calendrier purement lunaire ces 11 jours de décalage ont comme résultat un glissement des mois d'une année à l'autre.
Dans un calendrier solaire comme le calendrier Grégorien ce sont les phases lunaires qui se décalent d'une année à l'autre.
Et dans un calendrier luni-solaire comme celui d'Athènes antique, on est obligé d'intercaler des jours périodiquement pour faire correspondre les deux cycles.

En Grèce antique

Ou, pour être plus précis, en Attique, la région d'Athènes, le calendrier lunaire avec 12 mois (alternant des mois de 29 et de 30 jours pour atteindre les 29,5 du mois synodique) était utilisé pour les fêtes religieuses. Afin d'éviter le glissement des mois d'une année à l'autre, trois mois intercalaires était ajoutés sur une période de huit ans (la 3e, la 5e et la 8e année du cycle avaient donc 13 mois). En faisant le calcul on trouve en effet (3*13+5*12)*29,5=2920,5 jours côté lunaire et 365,25*8=2922 jours côté solaire. Il reste un décalage d'approximativement (approximativement parce que les vraies périodes ne sont pas exactement 29,5 et 365,25) un jour et demi.
Mais ce n'est pas cela qui pouvait gêner les Athéniens qui prenaient des libertés avec le calendrier en ajoutant ou enlevant des jours selon les besoins (lisez à ce propos l'extrait d'Aristophane à la fin de ce billet). Il est à noter que le mois supplémentaire n'avait pas de nom particulier, on «doublait» un mois, le plus souvent Ποσειδεών mais d'autres mois pouvaient se répéter.

Et la lune bleue dans tout cela?

On y arrive justement, quelques siècles plus tard.
Le calendrier attique n'est plus d'usage, remplacé d'abord par le calendrier Julien puis par le Grégorien, tous les deux solaires. L'Europe est devenue chrétienne mais malgré le changement de calendrier et de religion, il reste encore des fêtes qui sont calculées par rapport aux mois lunaires. Et les moines médiévaux ont les mêmes problèmes que les prêtres grecs antiques pour faire correspondre la lune et le soleil. Toujours ce reste de 11 jours de la division !
On nomme les pleines-lunes et on établit le calendrier religieux sur les mois lunaires à raison de 3 pleines lunes par saison. Sauf que, de temps en temps, à peu près tous les trois ans, une quatrième pleine lune se glisse dans une saison. Et pour ne pas tout décaler, on nomme cette pleine lune «belewe», vieux anglais pour «fausse» puisqu'il ne faut pas en tenir compte pour le calcul des fêtes religieuses. Et ce serait ce belewe qui déformé est devenu blue au fil des siècles.

Mais ça se complique encore un peu au milieu du XXe siècle

Cette «fausse» pleine lune était la 3e des quatre pleines lunes de la saison. Ce qui voudrait dire que la pleine lune de cette fin août n'est pas une lune bleue, puisque elle est la troisième de l'été mais la prochaine vient après l'équinoxe de l'automne et donc il n'y aura pas quatre pleines lunes cet été. Mais, dans ce cas, pourquoi tout le monde parle de blue moon là? Tout simplement parce qu'en 1946, un astronome amateur a publié un article dans Sky & Telescope où il définissait comme blue moon la deuxième pleine lune d'un mois. Et c'est de là que l'erreur a été adoptée partout, au point de remplacer la définition historique.
Donc, selon cette nouvelle définition d'il y a un demi siècle, demain sera une lune bleue. Mais selon la définition traditionnelle, il faudra attendre août 2013 qui n'aura qu'une seule pleine lune mais qui sera bel et bien la troisième parmi les quatres de l'été 2013.

Un peu plus de lecture?

Et voilà pour ceux qui voudraient aller plus loin quelques bonnes pistes :

Et pour finir, histoire de s'amuser un peu, voici un extrait des Nuées d'Aristophane, où la lune fait des reproches aux Athéniens quant à leur manière cavalière d'intervenir dans le calendrier :
et vous, au lieu de compter exactement les jours, vous renversez tout du haut en bas. Aussi, les dieux l'accablent de fréquentes menaces, lorsque, frustrés du festin, ils reviennent chez eux, sans avoir eu la fête d'après l'ordre des jours. Quand il faudrait sacrifier, vous donnez la question ou vous êtes en procès. Souvent, tandis que, nous autres dieux, nous jeûnons en signe de deuil pour la mort de Memnon ou de Sarpédon, vous vous livrez aux libations ou au rire. Voilà pourquoi Hyperbolos, élevé cette année aux fonctions de hiéromnémon, nous, dieux, nous lui avons enlevé sa couronne. Il saura mieux désormais que c'est d'après Sélènè qu'il faut régler les jours de la vie.
Traduction tirée de ce site, vers 615-626.

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